En Poémie Amie | Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars | Les mots infraternels
18/06/2016
Ils s'échappent s'évaporent
ne laissent ni ombre ni empreinte
plus jamais
ne s'alignent
ne s'apparentent
ne s'enfantent
pour construire le poème.
Ils sont devenus des graines infertiles
plantées dans le grand drap blanc givré
où les jours et les nuits se déroulent
sans un frisson du coeur
le corps a froid
quand s'inocule le mutisme
jusqu'à l'os.
Ils ne cessent d'être écharpés
désaccordés
égorgés
par le faucon au coeur sauvage
qui mène son combat l'écume rouge
au bec
trouant le ciel dévastant la forât
ravinant le champ
défigurant le jardin
là où partout autrefois
Les mots ont eu écho et trace.
Une ligne parfois s'esquisse
improbable trait au fusain
sur les pentes emmêlées du désastre
c'est
un coup de rasoir
aux poignets rouges de l'aurore
un texte blême
sans lendemain.
Par pure habitude
on sait encore poser les mains à plat
sur la table de travail
y lire dans les veines
le voyage de l'encre
implorer les syllabes
tourmentées et ferventes
pour qu'elles s'ajointent
au bout des doigts
Un jour on rôde à nouveau
autour d'une histoire entre vie et verbe
on en retient le fil
on agite des paroles
à l'embrasure de la page
comme des amulettes de jade
inoubliables mémorisées
transies transparentes
inouïes aiguisées
leur lame claire
ouvre un chemin à rebours de celui
des mots infraternels.
Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars,
La Passe du Vent, 2006, p.17-19
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